Un peu d'amour vaut mieux que pas d'amour du tout

S'il faut que je raconte mon histoire, il est préférable de commencer par la base de toute histoire, c'est à dire ma famille. Je ne me suis jamais senti comme étant de ceux et celles qui pouvaient tout dire à leurs parents. Peut-être parce que je me suis révélé très indépendant, ou encore c'était peut-être du fait que mes parents n'étaient pas vraiment de ceux qui restaient à la maison pour le dîner. Ou encore, un peu des deux. Je ne sais pas ce qui les poussaient à se préoccuper de tout, sauf de moi et de mon grand frère Lukas. Le travail? Leurs amis? Je n'ai jamais vraiment su ce qu'ils faisaient, où ils allaient. Je n'ai jamais vraiment su quelque chose de concret sur mes parents, à part leur nature de métamorphes, donc ma propre nature. C'était probablement le seul sujet dont j'ai pu leur faire part, tout le reste, je me retranchais vers Lukas. Plus jeunes, je dois avouer qu'on était inséparables. C'était grave tous les coups qu'on pouvait faire ensemble. Lui était pire que moi. J'ai toujours douté que c'était parce qu'il voulait attirer l'attention des deux seuls êtres qui devaient compter dans une famille normale. Moi j'avais compris, même très jeune, que nous n'étions pas une famille normale, et que nous ne le serions jamais. Aucun pique-nique dans le parc, aucune sortie au zoo. Rien, nada. Mais Lukas s'acharnait à essayer de changer les liens entre nous et nos parents.


Petit tigre deviendra grand

Je crois qu'il a du se faire une raison, car il a cessé de chercher ce qu'il ne pouvait pas trouver. Et il changea très rapidement. Nous nous sommes éloignés et le seul appui que j'avais toujours eu m'échappa. Il a comme détourné sa rage de sur ses parents, pour la tourner vers les humains. Je suis toujours en train de me demander pourquoi il les déteste tant. Mais je ne pouvais rien y faire alors je pris sur moi et me débrouillai seul. Je dois avouer que j'étais un peu en colère contre lui, il m'avait tout de même abandonné. Ma nature de métamorphe se révéla brusquement, et sans appui, je perdis un peu la tête. Ça n'a pas été facile, surtout que j'avais à peine nouf ou dix ans. J'étais perdu, en plein milieu d'une forêt, sous l'apparence d'un jeune tigre. Incapable de reprendre forme humaine, je me suis mis à paniquer, seule chose qu'il ne fallait pas faire dans ce cas là. Mais alors que je croyais être pris sous cette forme pour toujours, le coeur battant à cent milles à l'heure, ce fut Lukas qui m'apporta son aide. Il vint me chercher, me calmer. Pendant ce bref instant, j'avais retrouvé le frère qui m'avait toujours soutenu. Ce fut même lui qui me ramena à la maison, vide encore une fois.


Quand adolescence rime avec conneries

Alors que notre rythme de vie redevint normal - Lukas qui disparaissait tout le temps, mes parents qui n'étaient pas souvent là et moi un peu à la traîne comme toujours - je devins hyper proche de Nyla, notre cousine du côté des Reeves, et nous sommes devenus inséparables. Alors que je me disais que toutes les filles étaient des potiches qui ne pensaient qu'au maquillage à qu'à jouer à la poupée, je retrouvai en Nyla quelque chose de bien différent. Elle était bien la seule fille qui pouvait passer des heures dans le sous-sol avec moi pour jouer à des jeux vidéos. C'était devenu notre rituel. Après le lycée, nous nous retrouvions chez moi, à nous briser les yeux sur un écran de télévision et à avoir des fous rire incontrôlables. Mon frère ne comprenait pas le lien qui nous unissait, et à vrai dire, il était un peu découragé de nous voir toujours collés aux basques de l'autre. Mes parents, toujours peu présents, acceptaient quand même sa présence comme si elle était leur fille - ce qui était un exploit de leur part. Enfin bref, elle se retrouvait tout le temps chez moi. Jusqu'à ce qui se passa un truc que je ne compris pas. J'avais l'impression qu'elle s'éloignait, qu'elle dépérissait. Je ne savais pas quoi faire, ce qui me frustra et m'inquiéta encore plus. Lorsque j'appris que Lukas avait amené Nyla à l'hôpital après l'avoir retrouvée inconsciente, ce fut comme si on venait de m'arracher le coeur. J'ai dû faire la moitié du chemin sous ma forme de tigre, je ne me souviens plus trop, pour avoir de ses nouvelles. Après sa sortie, elle dut aller en centre de désintoxication, qui était à l'extérieur de la ville. Je ne manquai pas une occasion d'aller la voir, voulant la soutenir, harcelant mon frère pour qu'il me conduise là bas, sujet qui occasionna de nombreuses disputes bien que je savais qu'il s'en faisait aussi pour notre cousine.


Vivre sa vie sans regarder derrière soi

Lorsqu'elle sortit du centre, j'appris qu'elle avait eu sa première transformation, sujet qu'on avait que très peu abordé. Mon père, pour une des rares fois, nous expliqua le lien qui nous unissait depuis des années. Deux de nos ancêtres avaient eu ce même lien, deux métamorphes tigres, et que ça se répétait quelques générations plus tard. J'étais heureux de voir qu'elle allait mieux. Elle revint à la maison, y passant encore plus de temps qu'avant. Lukas est aussi un peu plus là lui aussi, bien qu'ayant toujours son comportement exécrable et son air bourru. C'est là que je me suis rendu compte qu'on formait une vraie petite famille, malgré l'absence de nos parents respectifs.