Fourrant quelques affaires dans un sac, j’avais déjà prévu ma soirée. J’allais me rendre dans les bois afin d’assouvir mes pulsions animales, c’était le seul moyen que j’avais de contrôler un tant soit peu ma personne. Même si je trouvais ça horrible, j’étais obligé de me nourrir, la bête en moi n’était jamais rassasiée. J’avais beau manger à longueur de journée, je savais que dans un coin de mon esprit cette faim dégoutante m’attendait. Passant mon sac sur mon dos, je sortais de chez moi avec la ferme intention de me tenir à ce que je m’étais fixé. Ne pas tuer d’humain ce soir. Je n’avais qu’à me trouver un animal consistant, un cerf, un élan, n’importe quoi, mais je ne supporterai pas d’avoir une autre mort sur la conscience. M’allumant une clope, je rentrais dans ma vielle voiture afin de partir en direction du bois. Garant ma voiture à l’abri des regards, je finissais le trajet à pied m’aventurant sans crainte aux fonds des bois. Pourquoi avoir peur du grand méchant loup quand on est le grand méchant loup ? Ecrasant ma clope, j’avançais toujours plus profondément au cœur de la forêt afin d’être sur de ne pas retrouver le chemin de la civilisation une fois sous ma forme lupine. L’ombre des arbres se faisait de plus en plus homogène alors que le ciel s’assombrissait. Pris dans le crépuscule, j’avançais tranquillement jusqu’à ce qu’un cri ne m’arrache à ma quiétude. D’abord perturbé de savoir quelqu’un dans les bois si tard, je me rendais compte que je connaissais la source de ce cri. Pressant le pas, je retrouvais sa fragrance partout autour de moi, suivant son odeur je me mettais à courir à toute vitesse, conscient que si un humain me voyait il ne comprendrait pas quelle chose pouvait aller aussi vite. Réduisant rapidement la distance qui me séparait de Jamal, une autre odeur me parvint nettement, celle d’un autre loup. Crispé, j’accélérais encore un peu avant d’arriver à proximité de la jeune femme, ralentissant d’un coup j’apparaissais comme par magie à côté de la belle passant mes bras autour de ses épaules sans prévenir : « Ca va, je suis là. Ca va aller. » Jetant des regards inquiets tout autour de nous, je pouvais sentir la présence de l’animal qui restait à distance. Il avait certainement senti ma présence et se demandait que faire. « Calme toi Jamal. »

J’avais essayé d’atteindre Jamal le plus rapidement possible, réagissant sous l’effet de l’adrénaline, je n’avais pas fait attention à mon entré apparaissant presque par magie. Entendant la belle hurlée, je la laissais reprendre un peu ses esprits avant de lui faire comprendre que c’était moi et que tout allait bien se passer. Je ne laisserais personne toucher à un de ses cheveux blonds vénitiens, encore moi un sale loup affamé. Je la sentais crispé dans mes bras, ses mains agrippées à mon t-shirt, son souffle court glissant dans mon cou. Elle était terrifié et n’arrivait pas à lutter contre, même si je lui demandais de se calmer, je savais qu’elle n’y arriverait pas et je le comprenais tout à fait. Comment peut-on bien réagir lorsqu’on est humain et qu’un loup s’est mis en tête de vous manger ? « Non, non... On va mourir, ce machin va nous bouffer ! » Silencieux, j’écoutais distraitement Jamal me concentrant sur l’animal qui rodait autour de nous. Nous étions des proies faciles pour le moment, mais je ne comptais pas me faire avoir par un loup solitaire avide de chair fraiche. « Il faut qu'on parte maintenant, ce truc n'est vraiment pas normal ! » Hochant négativement la tête malgré l’obscurité, je desserrais mon étreinte autour des épaules de la jeune femme avant de poser ma main sur sa joue : « Il faut que tu te calmes, je ne vais rien laisser t’arriver. Mais, j’ai vraiment besoin que tu te calmes, d’accord ? » Plantant mon regard dans celui de la belle, j’attendais qu’elle me montre un signe d’apaisement, j’étais là et j’allais m’occuper de sa protection pour le coup. C’est alors qu’un léger grondement se fit entendre, ce loup avait l’air d’apprécier jouer avec sa nourriture. « Tu restes là, tu ne bouges pas d’un centimètre. Reste adossée à l’arbre, je vais aller voir ce que c’est et m’en occuper. Ca n’est surement rien de bien méchant. » Affichant un large sourire rassurant et bourré d’assurance, j’espérais qu’elle allait m’écouter et ne pas bouger. Si je le pouvais, je me serais transformé afin de me battre avec cet autre loup-garou à la régulière. Cependant je n’en aurais surement pas le temps et surtout, si Jamal se retournait je pouvais dire adieu à mon secret. Quel humain serait capable de faire face à un loup-garou tout en lui tenant tête ? Aucun être humain normalement constitué.

Je me savais capable de mettre en déroute le loup qui nous tournait autour, mais pour ça je devais être sur d’être libre de mes mouvements. Ce qui risquait d’être compliqué avec Jamal d’en les pattes. M’apprêtant à me retourner pour affronter la bête, la jeune femme me retint par le bras. Me retournant pour la regarder, je n’avais pas compté sur le fait qu’elle m’empêche de partir. « Non, non tu ne bouges pas d'ici, je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose, ce truc va te massacrer dès la première seconde, tu ne pourras pas du tout t'en sortir. » Fronçant les sourcils, je faisais un pas vers la jeune femme comme pour montrer à l’animal qui me traquait qu’elle était sur mon territoire et qu’il m’appartenait de décider ce qu’il en retournait. Bien que la partie humaine de la bête nous comprenne, je savais que l’animal en lui était le plus fort, ses pulsions et instincts le guidant. « Ne fais pas l’enfant, il va rien m’arriver et à toi non plus. » « Ce truc a massacré un lapin ! » Sur le coup, je ne pu m’empêcher de rire doucement avant de me reprendre. Si elle savait à quel point les loups garous étaient capable de s’attaquer à des bêtes bien plus énormes que ça. « Si tu pars quelque part je te suis ! Peu importe si tu le veux ou non. » Ecarquillant les yeux, je n’aurais pas pu tomber plus mal. Passant une main dans mes cheveux en réfléchissant à un moyen de la garder en sécurité tout en m’occupant de la bête, je comprenais sa réaction bien que j’aurais aimé qu’elle fut autre. Plantant à nouveau mon regard dans celui de la belle, mon visage se fit plus dur alors que je disais d’une voix froide : « Ne m’obliges pas à t’assommer… Si c’est pour ton propre bien je le ferais, tu peux me croire. » Retirant la sangle de mon sac rempli d’affaire, je le posais contre le tronc de l’arbre en silence avant de me redresser. Faisant à nouveau face à Jamal, je n’avais pas envie de passer pour un cinglé, mais si elle m’obligeait à des extrêmes j’étais prêt à passer pour le pire fou de cette planète. M’adoucissant, je tachais d’arborer un sourire qui se voulait toujours rassurant, même si j’entendais le loup s’approcher un peu plus. Si on continuais à tergiverser ainsi, il allait nous attaquer sous peu. « Je te promets que ça va bien se passer, je ne suis pas un petit lapin sans défense, je sais montrer les crocs quand il faut. »

« Non mais... » Je comprenais bien le fait que Jamal soit terrifié, j’aurais aimé ne pas avoir eu à lui faire peur pour gagner un peu de terrain, mais la belle semblait prête à me garder à ses côtés par tous les moyens. Tentant encore une fois de l’adoucir en apaisant ses craintes, j’étais sur le qui-vive prêt à me lancer sur le champ dans une mêlée. « Vas-y va jouer au héro, mais si tu te fais tuer, je me ferais tuer ensuite, dans un sens se sera mieux, car je n'arriverais pas à supporter un second massacre dans ma vie ! » Fronçant les sourcils, j’assimilais les informations, elle avait déjà vécue un massacre. Peut-être était-ce pour ça que les médecins ne voulait pas la laisser travailler ou… je ne savais pas. Je n’avais pas le temps d’y songer. Néanmoins, si son but avait été de me faire culpabiliser, la jeune femme était arrivée à ses fins, je culpabilisais en effet. Attrapant une de ses mains, je la serrais entre les miennes en disant : « Personne ne va mourir ce soir, je ne serais pas parti plus de trois minutes. Crois-moi. » Lâchant sa main, je souriais encore légèrement une dernière fois avant de me reculer prêt à affronter la bête qui nous traquait. Sans un regard en arrière, je m’éloignais de Jamal suivant l’odeur de l’animal. Je me retrouvais à faire face à un énorme loup qui montrait les crocs, ce dernier poussa un grognement bestial alors que moi-même je cherchais à faire sortir de ma bouche un grognement guttural. Trop vite pour qu’un œil humain puisse le voir, l’animal se jeta sur moi alors que je me défendais, le bas de mon t-shirt se déchira sous les griffes de mon assaillant. Etalé au sol, je sentais l’haleine pestilentielle de la bête à quelques centimètres de moi, le repoussant de toutes mes forces, ce fut à son tour d’être en position de faiblesse. En profitant, j’attrapais un bois et le briquet qui trainait toujours au fond de ma poche, ouvrant mon Zippo une flamme en sortie sous les yeux apeuré de la bête. « Dégages ! VAS T’EN ! » Hurlant à plein poumon, je ne serais pas étonné de savoir que Jamal puisse avoir entendu. Regardant l’animal s’en aller en couinant, je me dépêchais de revenir vers la jeune femme, craignant la fourberie de la bête. Arrivant vers elle un sourire aux lèvres, je n’avais pas encore remarqué le sang qui coulait sur mon ventre. Je tenais mon briquet en main légèrement fier d’avoir fait fuir la bête, même si le regard courroucé de la belle réfrénait mes ardeurs.

Me contenant à cause du regard courroucé de Jamal, lorsque sa main rencontra ma joue avec violence je restais coi. « Désolée mais tu l'as mérité celle-là ! » La regardant légèrement choqué je ne pu m’empêcher de dire : « Sérieusement ? C’est comme ça que tu me remercies ? » Serrant légèrement mon briquet, je sentais sa flamme vaciller alors que je regardais la belle qui avait baissé les yeux surement honteuse. Je n’avais pas eu envie de lui faire des remontrances, mais j’attendais certainement un peu plus de compréhension ainsi que moins de contact entre sa main et ma joue. « Oh mon dieu mais tu saignes ! » Etonné par ce qu’elle disait, je baissais les yeux en suivant son regard. Je remarquais alors mon t-shirt déchiré et les griffures assez profondes qui se trouvaient en dessous. Remarquant le sang qui imbibait le tissus et coulait sur ma peau, je comprenais mieux pourquoi elle était tant choqué. « Laisse moi regarder, tu as peut-être besoin d'aller à l'hôpital ! » L’hôpital ? Non, surtout pas. Si j’allais dans un hôpital qu’est-ce que je pourrais dire ? Que je m’étais battu avec un loup-garou et que grâce à ma force surhumaine j’avais réussi à le repousser ? Non, il était hors de question d’aller à l’hôpital. « Tu peux regarder, mais je ne vais pas dans un hôpital. » Attrapant les morceaux déchirés de mon t-shirt, je les arrachais en un coup découvrant ainsi la plaie. En silence, je m’adossais contre l’arbre en attrapant mon sac, j’en sortais une gourde remplie d’eau et un de mes vêtements de rechange pour nettoyer ça. « Je… j’ai une peur panique des hôpitaux… ça va ? » Jamal avait légèrement blanchie et semblait mal. « La vue du sang te met mal à l’aise ? Je peux m’en occuper moi-même s’il le faut. »

La gifle de Jamal m’avait prise par surprise. Bien sur, je me doutais que la jeune femme n’avait pas été enchantée par mon départ, mais je ne m’étais pas dit qu’elle puisse en arriver à lever la main sur moi. « J'ai eu peur... » Même si elle ronchonnait, il était aisée de sentir la panique qui avait posé son grappin sur la belle. Je comprenais tout à fait, même si j’aurais bien évité cette claque. Ensuite, Jamal découvrit le sang qui coulait abondamment sur le bas de mon ventre. N’ayant pas porté attention à ce que je ressentais, presque shooté à l’adrénaline, je n’avais pas remarqué la douleur. C’est pourquoi je découvrais la blessure en même temps que la belle. Cette dernière me parla d’hôpitaux, mais j’étais tout à fait contre, quitte à devoir m’enfermer chez moi et ne plus jamais en ressortir. Je ne voulais pas aller dans un hôpital, attirer l’attention sur moi, répondre à des questions précises qui prouveraient à quel point je pouvais être étrange, non je ne voulais vraiment pas. « Peur des hôpitaux ? Mais tu as besoin d'avoir des soins supplémentaires ! » Entêté, j’hochais négativement la tête afin d’affirmer que non, je n’irais pas dans un hôpital, non je n’avais pas besoin de soins supplémentaires, surtout pas. Assis au sol, adossé contre l’arbre, ma gourde et un vêtement propre en main, je proposais à Jamal de m’occuper moi-même de la plaie. Je n’avais pas peur du sang, j’avais mal, mais c’était gérable, j’étais tout à fait capable de m’en occuper. La belle m’arracha le vêtement et la gourde des mains en hochant négativement la tête, elle tenait à s’en occuper elle-même, ce même si elle semblait dégouter. La fixant, je sentis le tissu humide rencontrer ma peau et la plaie pleine de sang. Grimaçant, je cherchais à ne pas montrer que ça faisait mal, même si ça se voyait bien. « Pourquoi tu étais dans la forêt ? Et comment tu as fait pour arriver comme ça de n'importe où ? » Affrontant ses questions stoïquement, je cherchais la meilleure réponse à lui offrir. Lui expliquer que j’étais venu me nourrir loin de la ville de peur de faire des morts ne risquait pas de la rassasier. Je devais trouver quelque chose d’autre, quelque chose de plus banal, de plus normal. « Et c'était quoi cette chose hein ? Ne me dis pas que c'était un petit renard, car vu la griffure ce n'est pas l'œuvre d'un renard ! » Me mordant la lèvre inférieur pour ne pas me mettre à geindre à cause de la douleur, j’hochais négativement la tête. Non, ça n’était pas un gentil renard, mais lui annoncer qu’un grand méchant loup se balladait dans les bois ne risquait pas d’arranger mes affaires. Posant mes yeux sur les bois alentour, je pris une grande inspiration avant de dire : « J’allais faire une marche de nuit, j’avais pris des affaires pour me changer, mais j’ai quasiment oublier la moitié dans ma voiture. Je suis revenu quand… je t’ai entendu crier alors je me suis mis à courir et quand je suis arrivé à la hauteur de cet arbre je t’entendais pleurer. Je me suis juste arrêté et tu m’as vu ensuite. » Retenant un léger gémissement pendant mon explication, je passais ma main sur mon front où perlaient quelques goûtes de sueur. Fixant la plaie, je voyais le sang autour disparaître dévoila la griffure que la bête m’avait faîte. « Je sais pas ce que c'étais. J’ai juste un peu marché avant d’entendre un grognement, j’ai attrapé un bois avant de me retrouver au sol sans avoir rien pu comprendre. Quand je me suis relevé j’ai attrapé mon briquet tout en me mettant à crier pour faire peur à cette bestiole. Elle a détalé, c’est tout ce que je sais. » Ou du moins, tout ce que je pouvais lui avouer.

Je mentais du mieux que je pouvais, cherchant à couper court cette partie de la conversation. « Quoi ? Non tu n'as pas fait que ça pour faire fuir cette bête, ça n'abandonne pas si facilement ! Dis moi tout... Et elle ressemblait à quoi cette bête hein ? » Non, je n’avais pas simplement agité un bois et une petite flamme sous le yeux de l’énorme animal. Je lui avais fait peur en lui tenant tête, certainement se doutait il que si je me transformais moi-même il aurait été en bien mauvaise posture. Je l’avais repoussé et j’avais bien assez clairement sous-entendu que s’il ne dégageait pas je le tuais avec une des seules choses qui pouvait le faire. « Je peux tout entendre, absolument tout, au point où j'en suis, c'est pas ça qui va me faire le plus peur ! Comment tu as réussi à vraiment la repousser ? » Jamal ne voulait pas lâcher l’affaire, ses yeux suppliant me donnaient envie de dire la vérité, mais je ne pouvais vraiment pas le faire. Il ne s’agissait pas que de moi, elle aussi, je ne pouvais pas détruire son monde en lui racontant la vérité. « Il fait sombre, je n’ai vu qu’une ombre informe. Ça pourrait simplement être un chien errant. » Le regard que me lança la jeune femme me montrait clairement qu’elle ne croyait pas un mot que je disais. C’est alors que je sentis la douleur disparaître peu à peu, je savais ce que ça signifiait, mon corps s’occupait lui-même de se soigner. C’était pareil que pour les humains, seulement plus rapide. En quelques jours la plaie aura surement disparue. Attrapant le tissu humide qui se trouvait entre les doigts de Jamal, je le plaquais contre la plaie pour la camoufler. Bien sûr, ça n’allait pas s’effacer comme par magie, mais je n’avais pas envie qu’elle se rende compte de la gravité première de la plaie avant que celle-ci ne commence à cicatriser. « Je te l’ai dit, je lui ai fait peur. Quand la bestiole a vu la flamme elle s’est mise à couiner. C’est bien connu, pour garder éloigner les bêtes lorsqu’on campe dans des zones risquées on fait un feu. Tu as eu très peur, mais ça n’était rien de bien méchant. » Enfin, pas pour une personne de mon genre. « Heureusement que j’étais là, tu avais l’air complétement paniquée. »

Plus je parlais, plus je me rendais contre que Jamal ne semblait pas croire un mot de ce que je disais. Je n’étais pas le meilleur des menteurs, généralement je prenais la fuite avant qu’on ne me pose des questions, mais je n’aurais pas su la laisser là. Surtout qu’elle était terrifiée, elle serait surement restée toute la nuit ici et j’aurais eu ça sur ma conscience. « Vu que tu ne vas jamais rien me dire, car tu as l'air d'être complètement buté, je sens que je vais devoir découvrir par moi-même ce qu'était ce machin ! » La fixant comme si je venais de voir un fantôme, c’était à mon tour de paniquer à l’idée qu’elle puisse avoir la folie de chercher des réponses. « Tu peux pas. Tu ne trouveras rien ! » La regardant en espérant qu’elle abandonne l’idée, j’aurais aimé la connaître mieux pour savoir quoi dire pour la faire oublier tout ça. « C'est quoi le problème ? Parce que je suis une femme sans défense, trop fragile pour comprendre, ou peut-être même que tu me prends pour une mongole ? » Fronçant les sourcils j’hochais négativement la tête. Non, n’importe quel humain était sans défense, homme, femme, il n’y avait aucune différence, mais je ne pouvais pas lui lancer ça au visage. J’aurai vraiment apprécié qu’elle me remercie sans se poser de question, mais ça aurait été trop simple. « On attend toujours de moi que je reste sagement assise, que je reste calme, que je dise ce que je ressens, que je prenne des médicaments, que je ne pense pas au pire, mais j'en ai assez d'être prise pour une petite chose ! » Me redressant, je posais ma main sur l’écorce de l’arbre dans mon dos. Me mettant sur mes pieds, j’avais besoin de bouger, vider l’agitation dans ma tête. Faisant un mauvais mouvement, je sentais les tissus en cours de cicatrisation autour de la plaie se déchirer lentement. Grimaçant, je m’arrêtais de bouger tout en posant mes yeux sur Jamal : « J’attends rien de toi. La seule chose que j’ai voulue pour le coup et que j’ai faîte c’est de te protéger et… et… t’es même pas capable d’apprécier ça. » Une boule nouait ma gorge alors que je parlais. J’avais l’impression d’être pris au piège, acculé et incapable de faire à mes assaillants bien plus dangereux que de simple chasseur, car il s’agissait de la vérité. « Je devrai te ramener chez toi, ça sert à rien qu’on s’attarde ici. »

« Comment tu peux en être aussi certain ? » Tachant de rester impassible, j’haussais les épaules. Jamal posait bien trop de question pour son propre bien et pour mon bien. Si j’avais plus d’imagination et que j’étais un meilleur menteur, peut-être aurais-je réussi à trouver quelque chose, mais je n’avais rien, pas d’idée. M’emportant légèrement, j’espérais mettre fin à cette conversation qui me gênait trop, je ne me doutais pas que rien ne pourrait faire sortir cette histoire de l’esprit de Jamal. « Je t'en remercie mais... tu croyais vraiment que j'allais te dire merci, te faire un grand sourire et passer au dessus de ça aussi facilement ? » Levant les yeux au ciel, je pressais le tissus humide un peu plus contre ma plaie avant de répondre : « J’espérais peut-être juste que tu ne me tortures pas avec des questions avant même qu’on ne soit hors de cette foret. » Tentant de gagner du temps, afin de pouvoir trouver une idée brillante qui me sortirait de ce pétrin, j’annonçais à la belle que j’allais la ramener chez elle. Ce qu’elle ne sembla pas très heureuse d’entendre vu qu’elle s’assit en tailleur avant de me toiser du regard en disant : « Je ne bougerais pas d'ici ! » Ecarquillant les yeux, je me demandais si elle était sérieuse. Elle venait quasiment de se faire bouffer et quand je lui proposais de rentrer chez elle, histoire qu’elle soit en sécurité, voilà qu’elle refusait mon offre. La fixant incapable d’articuler un mot, je commençais à me demander si quelque chose ne tournait pas rond avec elle, la jeune femme n’avait-elle donc aucun instinct de survie ? « Tu peux partir ! Si c'est pas toi qui me donne les réponses, ce machin reviendra bien pour me bouffer et je verrais bien à quoi cela ressemble et je pourrais sans doute me faire une vague idée de la vérité avant de mourir. » Faisant les cents pas, j’étais prêt à exploser. J’avais l’impression qu’elle se foutait de ma gueule pour le coup. Sans réellement le vouloir, j’haussais le ton, paraissant surement encore plus méchant que je ne l’étais. « Tu es cinglée. Tu te rends compte de ça ? T’es complétement folle, un gars te sauve la peau alors que t’es en pleine panique, tu le harcèles avec des questions à la con et puis tu veux rester pour te faire bouffer. Sérieux, t’es dingue ! » Me baissant pour attraper mon sac, je fourrais le vêtement humide et ma gourde dans ce dernier avant de le fermer et commencer à partir. La laissant derrière moi sans un regard, plus j’avançais, plus j’avais du mal à avancer. L’abandonner la n’était certainement pas la solution. Plus j’avançais et plus j’avais l’impression que quelque chose en moi se fissurait. Sans comprendre pourquoi, je revenais sur mes pas, laissant mon sac contre un arbre lorsque j’arrivais à hauteur de Jamal. M’asseyant à nouveau je posais ma main sur ma plaie en disant : « Fais chier ! »

« Ouais c'est ça casse toi ! » Bien que je m’éloignais, j’entendais Jamal aussi clairement que si je m’étais trouvé à côté d’elle. Continuant tout droit, je ne manquais pas d’entendre la suite, bien qu’elle semblait l’avoir dit plus bas : « Pauvre idiot ! » Continuant à avancer un temps, à chaque nouveau pas je trouvais une raison de revenir en arrière. Bientôt incapable d’aller plus loin, je me demandais ce qui me retenait, j’aurais pu juste m’en aller. Qui aurait pu me blâmer ? Pas elle en tout cas. Alors, pourquoi mes fichus jambes n’étaient elle pas capable de me porter vers l’avant ? N’en savant rien, je revenais à mon point de départ m’asseyant, toujours aussi énervé, à côté de la jeune femme. « Tu étais vraiment pas obligé de revenir, je peux me débrouiller seule ! » Muet, je fixais désespérément le sol en cherchant à me calmer. C’était fou de se mettre ainsi en colère, mais j’avais du mal à reprendre pied, la remarque de Jamal ne m’avait absolument aider, bien du contraire. J’étais en train de me battre contre moi-même lorsqu’elle décida qu’il était temps de m’enfoncer encore plus bas. « Et puis tu oses dire que je suis folle, mais tu n'es pas mieux, vraiment pas ! Tu joues au super héro, tu joues le mec mystérieux en détournant les questions, en restant vague dans tes réponses, c'est quoi ça hein c'est un jeu ? » Crispé, je me murais dans mon silence, comme un enfant qu’on viendrait d’offenser, sauf que les choses étaient plus grave. Déglutissant avec peine, j’étais incapable de me calmer, bien du contraire et plus je m’en rendais compte, plus je tentais de réfréner mes ardeurs première, j’avais faim, j’avais envie de partir en courant pourtant je restais là. « Je suis désolé, ok ?! J’étais… je suis en colère et je ne pense pas ce que j’ai dis. T’as raison, je suis dingue, assez dingue pour aller me battre contre je ne sais quoi pour te protéger alors que je te connais presque pas. » Prenant une longue inspiration, je me crispais de plus en plus, plantant inconsciemment mes ongles dans ma peau. D’une voix faiblard et indistincte je me remettais à parler à contre coeur : « C’est pas un jeu, je joue pas. Je… c’est… je crois que c’était un loup. » Mes yeux rivés sur le sol, j’attrapais une pierre me mettant à jouer pour me détendre. La faisant rouler entre mes doigts, je cherchais à me vider l’esprit, mais les mots de Jamal avaient ravivés bien trop de mauvais souvenirs.

Je l’avais dit. Alors que les mots sortaient de ma bouche, j’étais persuadé qu’il s’agissait d’une terrible erreur, mais le mal était fait, j’avais déjà abordé le sujet. Il était retard pour rattraper mes mots, je savais que Jamal allait les décortiquer. « Je suis désolée aussi... Un loup ? Mais tu es certain, normalement il n'y a pas de loup dans le coin ! » Haussant mes épaules, je m’enfonçais dans le mutisme alors que mes yeux rivés sur le cailloux que j’avais dans la main droite je jouais avec ce dernier. La regardant rouler dans la paume de ma main, je cherchais une quelconque paix dans cette action exempte de répercussions. Une action simple pour laquelle je n’avais pas à me torturer de question afin de savoir quels en seraient les retombées. La main de Jamal se posa alors sur le mienne, m’arrêtant dans mon mouvement. Relevant un regard troublé vers elle, je repensais à l’épisode de la feuille lors de notre dernière rencontre. « Tu devrais me laisser voir ta plaie, pour voir si ce n'est pas en train de s'aggraver ! Car si c'est un loup ça peut peut-être s'aggraver, que tu attrapes une maladie, que ça s'infecte ou quelque chose comme ça. » Gardant ma main gauche sur ma plaie, je la retirais légèrement pour que mes ongles ne soient plus en contact avec ma peau. Sentant du sang frais couler sur ma peau, j’hochais négativement la tête. « Je crois que c’était un loup, tu as dit qu’il n’y en avait pas dans le coin, c’est peut-être autre chose. » Laissant ma tête reposer contre le tronc dans mon dos, je fermais mes yeux l’espace d’un instant. Sans me concentrer je pouvais entendre son cœur battre, le souffle d’une famille de lapins cachés dans leur terrier, un écureuil qui dormait à poings fermés. Redescendant sur terre, je rouvrais les yeux pour les poser sur la jeune femme qui devait se demander à quel point je pouvais être fou pour le coup. « Je vais bien, je t’assure. » Affichant un faible sourire, je me mettais à fixer le ciel perdu entre les feuillages au-dessus de nous.

Jamal semblait avoir finalement abandonnée l’idée de m’interroger sans arrêt, pour mon plus grand plaisir. Détendu, ma tête reposant contre le tronc de l’arbre, je m’autorisais un instant d’égarement les yeux clos alors que je gardais mon esprit le plus vide possible, cherchant à me vider de l’anxiété que ses questions m’avaient causée. J’entendis alors la jeune femme se lever, rouvrant les yeux sur le coup je la regardais me tendre sa main et dire : « Je l'avoue je ne suis pas sympa parfois, même très chiante et je m'en excuse... Mais accepte de venir chez moi, je veux vraiment te remercier, je pourrais te faire un pansement et je te ferais une énorme pizza avec une tonne de fromage dessus ! » Attrapant sa main, je me redressais s’en mal en pensant à sa proposition. « C'est promis je ne t'empoisonnerais pas et je tenterais de ne plus te poser de questions. » Souriant amusé par sa remarque je me retenais quand même de répondre sans y avoir réfléchi. C’était tentant de manger quelque chose, puis la savoir arrivée à bon port me rassurait moi qui n’avait pas été capable de l’abandonner au milieu de cette forêt. « En plus de ça j'ai tout ce qu'il faut à boire vu que je n'ose jamais y toucher ! » Encore un peu plus amusé par sa remarque, je me mordillais la lèvre inférieure hésitant un instant : « D’accord, mais je me serais contenter d’un simple merci aussi. » Attrapant mon sac avant de le poser sur mon épaule je me demandais bien où elle pouvait habiter. Je ne la connaissais pas assez pour connaître ce genre de détail. Même si, de toute évidence, j’allais passer ma fin de soirée avec la belle autour d’une pizza. « Enfin, je ne me plains pas, j’apprécie le geste. » Lâchant la pierre que j’avais gardé en main depuis que je m’étais arrêté, je regardais Jamal un léger sourire aux lèvres. Me mettant à marcher tout droit, sachant parfaitement comment retrouver un chantier, je ne pu m’empêcher de demander : « Et toi, comment tu as fait pour te retrouver au milieu de nulle part à la tombée de la nuit ? » Peut-être qu’elle était juste suicidaire, le genre de fille à aimer se balader une fois le soleil coucher bien que n’importe quoi pourrait leur tomber dessus. Je ne savais pas, mais je n’appréciais pas cette idée.