Les choses semblaient s’être apaisée entre Jamal et moi. Soulagé de ne plus avoir à faire face à ses questions, ce fut à mon tour de m’en poser. J’étais intriguée par la jeune femme, je ne savais pas pourquoi je n’arrivais pas à me la sortir de la tête. « J'avais envie d'être seule, je suis arrivée quand il faisait encore jour, j'ai commencé à marcher et je me suis perdue, je tentais de retrouver mon chemin, mais j'ai un très mauvais sens de l'orientation... D'ailleurs je ne sais même pas où est ma pauvre voiture ! » Je pouvais bien comprendre son envie, moi-même passant le plus clair de mon temps à chercher le calme et la solitude. Par contre, j’avais un bon sens de l’orientation contrairement à la jeune femme qui s’était surement perdue en sortant des sentiers battus sans le faire exprès. Avançant tranquillement vers un de ces sentiers nous ramenant à l’extérieur de la forêt, je ne rajoutais rien. « De toute façon ma voiture ne va pas s'envoler et vu que pour l'instant je ne suis pas prête de la retrouver... J'espère que tu es venu en voiture rassure moi ? Car si on doit soit retrouver ma voiture ou soit marcher jusqu'à mon appart, je crois que demain matin on y sera encore ! » Souriant j’hochais la tête, oui j’avais une voiture, même si ça allait faire bizarre d’aller chercher alors que j’avais pris soin de la camoufler un minimum pour que personne ne se posent de questions, surtout pas le garde forestier. « Ma voiture est à moitié une antiquité, mais oui je l’ai prise. Puis, si tu veux on pourra chercher après ta voiture demain, histoire que tu ne la retrouves pas à la fourrière. » Lui jetant un regard avant de lui offrir un sourire, j’estimais rapidement la distance qui nous séparait de la sortie de la forêt. On était pas très loin de la sortie, mais Jamal aurait pu continuer à tourner en rond toute la nuit avant de retrouver son chemin. « La prochaine fois que tu as envie de te balader dans les bois, suis les sentiers. Puis ne te promènes pas trop tard, à la tombée de la nuit c’est dangereux de se promener en forêt. » Il y avait bien sur les animaux de la forêt, mais ceux-ci n’étaient pas les plus dangereux, les plus dangereux étaient ces prédateurs qui attendent la tombée de la nuit pour tomber les masques et faire un festin. Il n’empêchait que même, en général se promener dans les bois une fois la nuit tombé et une pratique risqué, il est toujours plus dur de retrouver son chemin sans repère précis.

« Oui dès demain on la recherche, ma pauvre petite voiture, je ne veux même pas oser l'imaginer entre les mains d'un mec de la fourrière ! » Hochant la tête positivement, je ne pu m’empêcher d’avoir un sourire amusé. En effet, les employés de la fourrière n’avaient pas l’habitude d’être doux. Traiter des voitures toute la journée les ennuyait et ils ne portaient généralement que très peu de soin aux voiture qu’ils embarquaient. Tout le contraire des gens travaillant au garage. J’avais appris à apprécier les voitures avec le temps, à m’en occuper avec soin et à les traiter comme elles le méritaient. Je n’avais pourtant rien d’un fan d’automobile, mais j’avais appris. Sans trop savoir comment, je me retrouvais à donner de nouveaux conseils comme si j’étais son père, ça me donnait directement un coup de vieux. Enfin, le léger sourire qu’elle arborait semblait me dire que je n’avais pas à m’inquiéter, que je n’étais pas encore trop ennuyeux. « Oui, d'ailleurs je crois que je ne vais plus remettre les pieds ici, il va falloir que je me trouve un endroit tranquille sans aucun risque. » Hochant vivement la tête, je souriais tout en disant : « Excellente idée ! » Je n’aurais peut-être pas du réagir si vivement, mais la pensée qu’elle puisse se faire blesser me tourmentait. Puis, si Jamal restait éloignée autant que possible de ce terrain de chasse qu’était la forêt, ça n’était pas vraiment pour me déplaire. Sortant enfin des bois, je continuais à marcher tout droit bien qu’il ne semblait y avoir aucune voiture. J’étais assez doué en dissimulation, ce qui, pour le coup me rendait assez fier. « Surtout tu ne feras pas attention à mes voisins c'est... des dingues ! » M’arrêtant à côté d’une ombre informe, je m’en approchais en disant : « Ça doit pas être si grave que ça, si ? » Retirant une première branche masquant un des phares, je m’affairais quelques instants autour de ce qui ressemblait de plus en plus à une voiture. Une fois que j’eu fini de retirer des branches, feuilles et autres objets qui m’avaient permis de réduire la réflexion qu’offrait mon véhicule, je tendais la main vers ma vielle voiture : « Je te présente ma voiture, une vielle ford taunus. J’ai un peu bricolé le moteur, mais ça reste une dame de caractère. » Faisant le tour de la voiture, j’insérais ma clé du côté passager avant de tirer à plusieurs reprise sur la portière pour qu’elle veuille bien s’ouvrir. Finissant par y arriver, j’invitais Jamal à rentrer dans la voiture avant de fermer derrière elle. Entrant à mon tour dans le véhicule, j’allumais le moteur alors que le lecteur cassette crachotait un vieux morceau de jazz. « Je vais avoir besoin de tes indications à partir d’ici. »

Je me demandais un peu si Jamal en rajoutait une couche au sujet de ses voisins. C’est vrai, on trouve souvent ses voisins cinglés, même s’ils nous tapent qu’un peu sur le système. Tant qu’ils ne se levaient pas à quatre heures du matin pour faire la java ou ne faisait pas de bruit toute la nuit ça allait. « Ils sont du genre à se disputer sans cesse, se lancer des assiettes en pleine tête et de se pardonner dans un lit... » Jetant un regard désolé à la jeune femme, je disais : « Je vois, ça doit pas être simple tous les jours. » Je présentais ensuite brièvement ma voiture. Un vieux modèle, une vielle voiture. Conduire ce genre de véhicule était bien différent que de conduire une voiture récente. J’aimais ma voiture, elle avait, en quelque sorte, une âme. J’aidais Jamal à rentrer du côté passager avant de prendre la place du conducteur et allumer le moteur. Un vieux morceau comme toile de fond, la jeune femme se mit à parler. « Elle est plutôt pas mal... Je dirais même qu'elle te correspond ! » Retirant ma main de ma plaie, j’essuyais légèrement le sang qui se trouvait sur mes doigts avant de les poser sur le volant en soufflant à demi voix: « Vieux et rafistolé, c’est tout moi ça. » Reprenant plus fort, je m’informais sur le trajet démarrant . C’est un son mélodieux que le moteur offrait malgré son âge, écoutant attentivement les informations que me donnait Jamal, tournant où elle m’indiquait voyant plus ou moins où elle devait habiter. En un rien de temps, la quiétude et le silence de la forêt se fit remplacer par le ballet bruyant de la ville. « Comme ça un jour s'il te prend l'envie de m'apporter un bon café pour me remercier d'être très chiante avec toi, tu sauras où j'habite ! » Tournant mon visage l’espace d’un instant, je la fixant amusé par ce qu’elle disait ne pouvait m’empêcher de répliquer : « Je préfère l’idée de venir chez toi pour dévaliser ton frigo, mais on verra en temps voulu. » Reposant mes yeux sur la route, je tournais à droite suivant les indications donnée plus tôt, tournant encore une fois avant de ralentir dans la rue qui devait être celle de Jamal. Ralentissant, je disais à voix haute : « C’est quel appartement ? » Suivant le regard de la jeune femme, je me garais devant son appartement avant de sortir en trombe de la voiture afin de lui ouvrir encore la porte, la faisant grincer horriblement fort.

« Si tu es fan de cuisine italienne, j'en fais toujours des montagnes, alors mon frigo serait ravi d'être vidé un peu quand j'en fais trop ! » Souriant amusé par ce que Jamal venait de dire, je la regardais du coin de l’œil l’espace d’un instant avant de dire : « Fait attention, après je serais tout le temps fourré chez toi pour manger. » Mon ton était badin, je riais, simplement, sans prise de tête ou sans me poser une tonne de questions inutiles. Depuis que j’avais rencontré la jeune femme et à chaque fois que j’étais en sa présence je fonçais. J’étais incapable de me retenir, c’était pourquoi quand je l’avais entendu crier j’étais parti comme une fusée. J’étais quelqu’un d’autre en sa présence et je ne comprenais pas pourquoi, ou alors je ne voulais pas comprendre. Arrivant à son appartement, une fois garé je lui ouvrais la portière, cette dernière très capricieuse avant de la suivre. Rentrant dans son appartement, je scrutais l’endroit une fois qu’elle l’eu éclairé. Un peu penaud, ne sachant que faire, je restais sur place pendant que la belle se mouvait dans son appartement sans problème. « Si tu veux, tu peux aller dans la salle de bain pour regarder correctement te blessure ? » « D’accord, merci. » Suivant son doigt du regard, j’allais dans la salle de bain. Une fois face au miroir, je retirais mon t-shirt tout en regardant la plaie. Cette dernière était maintenant recouverte d’une croute de sang coagulé. J’étais sur qu’en dessous la cicatrisation avait déjà commencé et le mieux que je pouvais faire c’était laisser ça comme ça. M’occupant de mon t-shirt, je passais les contours du bout que j’avais déchiré sous l’eau tâchant de retirer le sang sec qui avait imprégné le tissu. N’arrivant à rien, je le laissais d’en l’évier attrapant quelques affaires dans la trousse de pharmacie. Posant une compresse, je m’assurais qu’elle tienne avant de ranger tout et ressortir de la salle de bain t-shirt en main : « Je crois que mon t-shirt est définitivement hors d’usage. » Torse nu, comme ce qui allait finir par devenir une habitude face à Jamal, je la fixais quelques instants en silence avant de rajouter : « Tu n’aurais pas un ou l’autre truc de mec ? Par exemple un t-shirt ou une veste de ton copain, je te jure que je te le rendrais. »

« Je n'ai absolument rien, mon petit-ami a du venir rapidement une seule fois, mais généralement je n'invite personne ! » J’émis un bref soupir en m’imaginant torse nu jusqu’à rentrer chez moi. Je n’étais pas pudique, mais à force ça allait vraiment être une habitude. « Puis ce n'est pas comme ci je n'avais pas l'habitude de te voir presque nu. Ça m'avait presque manqué ! » Naturellement, mon rire se joignit au sien alors que je me disais que sur trois rencontres, les trois fois j’étais au minimum torse nu à un moment. La regardant préparer la pizza, je la vis l’enfourner au four avant de se retourner vers moi. « Sinon je peux te prêter une robe, je dois en avoir une assez grande qui pourrait t'aller ! » Faisant une grimace, je répondais : « Ça ira, je préfère me promener à poil dans ton appartement que d’avoir à porter une robe. » Faisant un tour sur moi-même, j’observais un peu l’appartement de Jamal alors qu’elle continuait à s’affairer. « Vodka ? Whisky ? Eau ? Jus d'orange ? Si tu me dis rien du tout je te forcerais à avaler quelque chose quand même ! » Me retournant vers la jeune femme, je lui jetais un léger sourire en répliquant : « Mais c’est que tu ferais presque peur avec tes menaces. Je veux bien un whisky sans glaçon, merci. » Même si je n’étais pas un grand buveur, j’aimais bien de temps en temps boire un verre et il semblait que ça soit une bonne occasion de le faire. Regardant la belle servir les verres, je pouvais sentir toutes les effluves de la cuisine agresser mon nom. Les épices, les ingrédients sur la pizza, le whisky. C’était bien différent de ma cuisine où il n’y avait quasiment jamais rien à manger. « En tout cas, si tu comptes sur moi pour une fois te faire à manger, je te conseils de ne pas y penser. Je suis un très mauvais cuisinier. » Mes connaissances en cuisine s’arrêtaient entre la cuisson des pâtes et comment cuire un œuf. La plupart du temps j’achetais des plats tout fait ou alors j’allais chasser, bien que l’idée me répugnait toujours lorsque j’étais sous ma forme humaine. Attrapant le verre que Jamal me tendit, je la remerciais avant de dire : « Pourquoi tu n’invites personne dans ton appart ? Il est sympa et puis tu sais faire à cuisiner. »

« Décevant ! Je t'imaginais déjà en super cuisinier, en train de réussir des plats dignes des grands chefs. » Un sourire amusé apparu sur mes lèvres alors que je buvais une gorgée de whisky. Mon père m’avait appris à apprécier le goût de cette boisson, bien que généralement il buvait avec déraison. Interrogeant Jamal, je ne m’attendais pas à ce qu’elle reste muette, fronçais les sourcils intrigué, je me demandais quel point sensible j’avais pu toucher, le regrettant déjà. « Il y a trois ans à Venise, j'étais serveuse dans un très grand restaurant, sauf qu'un jour il y a deux mecs armés qui sont venus avant l'ouverture, il a commencé à tuer tout le personnel, dont mon ex petit-ami et ma meilleure amie, je me suis cachée, j'ai été la seule survivante, la police n'est jamais arrivée à les retrouver et... » La regardant boire son whisky un peu trop vite, j’imaginais sans mal à quel point ce genre de chose pouvait la bouleverser. « Et je ne supportais pas d'être la seule survivante, on m'a envoyé en hôpital psychiatrique quelques mois et quand je suis sortie, je suis venue ici, sauf que... dès que je suis seule ici je me mets à faire des choses étranges, vérifier plusieurs fois si ma porte est verrouillée, rester dans le noir en laissant une simple lumière allumée, dormir avec un couteau, au moindre bruit je me mets presque à pleurer et des tonnes de chose dans ce genre. » Affronter la mort, mais plus encore affronter le fait qu’on est encore en vie, je pouvais le comprendre, même si je ne pouvais rien changer à la peine qui devait peser sur ses épaules. Voyant la jeune femme baisser légèrement son visage, comme par honte, je m’approchais d’elle avant de déposer mon verre sur le plan de travail. Attrapant son menton entre mon pouce et mon index je lui offris un léger sourire avant de dire : « Je sais que ça changera rien, mais je suis désolé pour ce qui c’est passé. » Lâchant son menton, je me mettais à caresser sa joue en douceur sans quitter son regard des yeux. Sans trop savoir pourquoi, l’image d’Arianna me revint en tête court-circuitant le cours de mes pensées. « J’ai aussi perdu des êtres m’étant chère, sans rien pouvoir faire. Je sais que c’est douloureux. » J’avais laissé ma mère mourir enfant, j’avais vu mourir Arianna à petit feu sans rien faire. Je comprenais Jamal et le traumatisme lié au fait d’être, en quelque sorte, un survivant. Ce même si nos douleur ne pourraient jamais être comparé. J’aurais aimé avoir le pouvoir de retirer un peu du fardeau qui se trouvait sur les épaules de la jeune femme, au lieu de quoi je me perdais dans ses yeux ma main posé sur sa joue que je caressais du bout de mon pouce.

Je ne savais pas ce qui me prenait, ni pourquoi je me sentais obliger de caresser sa joue. J’avais envie de la toucher, la sentir délicate sous mes doigts. J’étais incapable de me contrôler perdu dans l’océan trouble de son regard. « Comme on dit la vie est une bitch ! » Hochant la tête sans la quitter du regard, je sentis sa main attraper ma main libre. Me laissant faire, je serais mes doigts autour des siens incapable de lutter contre ce magnétisme, cette irrésistible envie d’avoir plus. « Oui, elle apporte autant de joies que de peines. » Mon cerveau encore présent dans mon crâne, je cherchais un moyen de lutter contre le monstre en moi qui semblait jouer avec mes neurones, bousillant mon cœur et m’offrant une irrépressible envie d’embrasser la jeune femme. Luttant de toutes mes forces, je n’aurais su dire exactement ce qui m’empêchait de le faire, l’embrasser. J’aurais pu, même si ça n’était pas le meilleure moment, mais il me restait trop de fantôme sur la conscience pour le faire. C’était ce que je croyais sincèrement du moins. Puis, sans raison, j’eu l’impression que la gravité avait changée de centre et que Jamal était devenue l’épicentre d’un nouveau monde. Ne sachant pas ce qui me prenait, incapable de me battre contre ce qui s’agitait en moi, je me mettais à murmurer : « J’ai envie de t’embrasser. » Alors que j’approchais lentement mon visage du sien. Mon cœur était au bord de l’implosion, ma tête semblait absente et on aurait dit qu’un marionnettiste était en train de tirer mes fils. Incapable de lutter, je pouvais sentir le monde continuer à tourner à l’extérieur, alors qu’ici, dans son appartement, les choses semblaient s’être figées. Nous étions dans une bulle qui me paraissait en dehors du temps, en dehors de l’espace. J’avais l’impression d’avoir oublié toutes mes fautes et d’être en droit d’espérer quelque chose.

Je n’aurais pas du dire ce qui me passait par la tête, ou même me laisser faire par cette force invisible qui me poussait inlassablement vers Jamal. Sauf que j’étais pris dans une toile, prêt à me faire dévorer et j’attendais ça avec impatience. Me brûler à la flamme de ses lèvres pour renaître de mes cendres. « Alors fais-le ! » Un léger sourire aux lèvres, je réduisais plus rapidement l’espace séparant nos deux visages. Je pouvais sentir son souffle chaud glisser contre ma peau alors que nos bouches étaient immuablement attirées l’une vers l’autre. Mes lèvres rencontrant les siennes, j’eu l’impression que mon cœur subissait un accident de voiture. Il tambourinait dans ma poitrine comme s’il voulait en sortir, s’échapper. Dans un élan de conscience, je rompais ce baiser me retrouvant comme un poisson hors de l’eau. Incapable de savoir quoi faire, incapable de comprendre ce qui se passe jusqu’à ce qu’il ne soit trop tard. J’entendais le cœur de Jamal battre à l’unisson avec le mien, je remarquais surtout l’incohérence de mes pensées et le trouble qui venait de se faire en moi. Clairement dépassé par la situation, je dévorais la jeune femme du regard me demandant ce qui m’empêchait de recommencer et, au contraire, les raisons qui m’y poussaient. Dans une veine tentative d’appeler ma raison je soufflais incertains : « Tu as un petit ami… » Qui ne l’était pas tant que ça, ce qui n’allait pas m’aider à reprendre le contrôler de la situation. Cherchant une ancre, quelque chose à quoi m’accrocher, je m’étonnais de voir tout ce qui me traversait la tête me filer entre les doigts. Tout ce qui passait dans la tête à l’instant s’était la douceur de ses lèvres et la chaleur de son souffle. « Je suis le seul de nous deux complétement perturbé par ce qui est en train de se passer parce que… si je m’écoutais je me jetterais sur toi sans réfléchir. » Mais je tentais sérieusement de réfléchir au contraire et de reprendre le contrôle. Ce qui semblait être peine perdue.

J’avais la tête à l’envers, mon cœur avait des ratés et j’avais peine à retrouver mon souffle. Fixant Jamal, la dévorant plutôt du regard, je me demandais comment ce petit bout de femme avait réussi à me mettre dans un pareil état. Moi, toujours si mesuré, contrôlé, à cheval sur mes principes, voilà que j’embrassais une fille en couple ne redemandant qu’à retomber dans mes travers pour en profiter encore. Son index se posa sur mes lèvres m’obligeant à me taire alors qu’elle se mettait à parler. « Je me considère comme célibataire... Ne réfléchis pas, un jour ma psychologue m'a dit : ne réfléchis pas et agis ! Tu devrais faire la même chose. » Certes, elle ne se considérait pas en couple, pourtant elle l’était et… Je devrais définitivement moi réfléchir. La fixant en silence, je la regardais laisser retomber son bras le long de son flanc avant qu’elle ne m’embrasse à la commissure de mes lèvres m’arrachant quelques battements de cœur tordus. « La vie pour tous ne tient qu'à un fil, il faut profiter du moment présent comme si c'était le dernier ! » Un sourire amusé étira mes lèvres alors que je passais ma main sur sa joue. « Tu es philosophe maintenant ? » Plantant mon regard dans celui de la belle, j’arrivais à peine à me rendre compte qu’elle me rendait dingue. Son contact, sa présence, je n’avais pas réussi à le voir la première fois, mais maintenant je comprenais qu’elle me changeait en silence. J’étais différent avec elle, j’étais un autre gars et c’était une sensation sans pareille. Posant une nouvelle fois mes lèvres sur celle de la jeune femme, je profitais plus longuement de ce baiser, ne le rompant qu’une fois que je me retrouvais à court d’air. Reculant dans l’espoir de retrouver mon air et tout mon esprit. J’essayais d’être logique là où ma tête avait perdu le nord et où mon cœur était devenu ma seule boussole. « Ce n’est pas une raison pour se précipiter. »

Il y avait quelque chose d’étonnant, presque de malsain quand je pensais à quel point Jamal pouvait m’attirer. J’avais l’impression d’être un trombone attiré par un aimant et j’étais incapable de me retenir, incapable de m’accrocher, elle était vraiment trop forte pour moi. Je ne voulais même plus résister. « Oui, mais par contre si je ne me précipite pas pour ma pizza, on va devoir manger cramer ! » Souriant, c’est amusé que je la regardais sortir précipitamment la pizza du four. Ca ne sentait pas encore le brûler, donc elle devait être mangeable, de toute manière j’étais prêt à me jeter sur n’importe quoi pour calmer la faim qui me serait l’estomac. « Rassure moi tu aimes quand même malgré que la pâte soit trop cuite ? » Hochant la tête en buvant une nouvelle gorgée de mon whisky je répondais amusé : « Je suis prêt à manger n’importe quoi, mais je suis sur que même un peu trop cuit ça va être délicieux. » M’appuyant sur le plan de travail, je regardais Jamal s’occuper de servir la pizza, la coupant avant de mettre des bouts dans des assiettes. C’est alors qu’elle rajouta en rigolant : « De toute façon c'est de ta faute ! » Fronçant mes sourcils, je m’approchais de la jeune femme posant mes mains sur ses hanches avant de planter mon regard dans le sien. La fixant intensément quelques secondes, je finissais par répondre : « Je n’y peux rien si tu te laisses facilement distraire. » Souriant amusé par la situation, je me mordais la lèvre inférieur cherchant à me retenir, sans quoi j’aurais encore fondu sur ses lèvres incapable de m’en passer. J’avais vraiment l’impression d’être un accro.

« Moi ? Me laisser distraire facilement ! Même pas vrai... Je dirais plutôt que tu m'as obligé. » Amusé par la réplique, j’haussais vaguement les épaules pour montrer que je ne la croyais vraiment pas. Ses lèvres se posèrent alors brièvement sur les miennes m’arrachant un regain d’envie dont je me serais bien passé me maîtrisant déjà avec peine. « Comme maintenant tu m'as obligé, enfaites tes lèvres supplient les miennes de venir les embrasser ! » Continuant à la fixer, j’haussais un sourcil la regardant de manière sceptique alors qu’elle attrapait un morceau de pizza. « Allez mange sinon je vais être obligée de t'embrasser un million de fois ! » Attrapant à mon tour un morceau de pizza, j’avalais rapidement une bouchée répliquant plein d’aplomb : « Je suis pas sur que ça me dérangerait. » Ouvrant une nouvelle fois la bouche, j’avalais la fin de mon morceau en une bouchée, appréciant la pizza à sa juste valeur, même si je l’avais presque gobée. « Et hum.. dis moi monsieur qui a faim, j'espère que tu aimes le gâteau au chocolat, car j'en ai fait un, mais je vais jamais arriver à le manger toute seule ! » Hochant la tête, je raffolais des gâteaux au chocolat et après la pizza ça serait parfait pour me caler l’estomac. Attrapant déjà une seconde part, j’en dévorais la moitié en un instant. « Il faudra que tu finisses aussi la pizza ! Oui je suis exigeante... Mais tu ne pourras pas dire que je suis une grosse radine qui garde toute sa pizza et son gâteau au chocolat pour elle. » M’arrêtant malgré ma fringale, je la fixais d’un air suspicieux avant de dire : « Tu cherches à m’engraisser c’est ça ?! Enfin, ça marche. » Finissant ma seconde part, je vis Jamal entamer à peine la sienne. « Dis... tu fais quoi cette nuit ? Ne prends pas ça pour des avances hein ! On va dire que je m'informe c'est tout. » Joignant mon rire au sien, j’haussais les épaules n’ayant pas de plan. Enfin, j’en avais, mais tout avait été chamboulé sans que je ne puisse lutter contre. « A la base je devais faire une marche de nuit, mais pas sur que ça soit recommandé après ce qui s’est passé. » M’approchant de la jeune femme, je plantais mon regard dans le sien, étant assez proche que pour sentir son souffle, mais assez loin que pour ne pas être incapable de résister à mon désir de prendre possession de ses lèvres. « Tu t’informes, vraiment ? Pour moi, ça sonnait vraiment comme des avances. » Dis-je, un sourire largement amusé.

« Exactement, tu sais c'est un peu comme un poulet qu'on engraisse, qu'on envoie à l'abattoir et qui finit à la casserole, désolée de te l'avouer, mais tu vas finir comme ça... » La regardant un instant, j’affichais une moue horrifié, même si je me laissais clairement faire. J’avais un trou à la place de l’estomac, en tout cas lorsqu’il s’agissait de nourriture habituel, parce quand il s’agissait d’entrailles d’animaux c’était différent. C’est alors que Jamal me proposa de rester pour la nuit, bien innocemment. Enfin, c’était ce qu’elle prétendait. M’amusant à la taquiner, dans le fond je ne savais pas vraiment quel était l’attitude à adopter et la réponse à donner. J’en avais envie, c’était certain, mais me restait une petite voix dans ma tête contre cette idée bien alléchante. « Disons que j'ai un énorme lit qui pourrait accueillir presque tout le quartier alors... je me disais que tu pouvais rester ? J'ai pas vraiment envie de rechercher quelqu'un d'autre qui accepterait pour ce soir ! » Haussant un sourcil, c’est un sourire amusé aux lèvres que je répondais alors : « Je ne suis donc pas le premier choix ? C’est faute de mieux que tu me prends moi, pas sur que ça me plaise vraiment cette idée. » J’étais incapable de m’empêcher de la taquiner et je m’en amusais même bien. Ce qui n’était pas vraiment dans mes habitudes à la vérité. « En bonus demain matin, tu auras un excellent petit déjeuner ! » Riant légèrement, je me mordillais la lèvre inférieure l’espace d’un instant. Elle voulait vraiment m’engraisser, ou alors tout semblait le prouver. « Tu essayes de m’engraisser afin que je ne puisse plus sortir de chez toi, c’est ça ? » J’étais un indéniable gourmand et enfant l’heure du repas était sans doute mon moment favoris de la journée après les longues balades dans les bois. Ce qui n’avait vraiment pas changé avec les années. « Enfin, soit je mange tout ce qu’il y a chez toi, soit c’est toi que je croques. » Parasitant mon esprit, une image de la jeune femme ensanglanté et éventrée me glaça le sang l’espace d’une seconde.

Je m’amusais de ce qu’avait dit Jamal, en fait quand j’étais avec elle c’était la seule chose que je faisais. J’avais un poids en moins sur les épaules et je prenais les choses plus facilement, c’était tellement bon de temps en temps. Ecoutant la jeune femme faire une liste avec qui elle aurait supposément pu passer la nuit, je prenais un air de plus en plus horrifié alors qu’elle n’arrivait pas à rester sérieuse, se mettant à rire. « Non sérieusement, y'a un mec tout en haut de la liste, comment il s'appelle... Han... Ah oui Hendrix ! » Un timide sourire s’étala sur mes lèvres sans que je ne puisse rien y faire. J’avais un peu de mal avec tout ce qui était en train de se passer, même si je tâchais d’en profiter le plus possible. Malgré moi et ma bonne volonté, il restait un vieux souvenir projetant ses ombres sur mes pensées. Entamant le gâteau en entendant la jeune femme me parler, déjà, du petit déjeuner, j’étais vraiment amusé par son désir de me faire manger. A ce rythme-là j’allais finir tout ce qu’il y avait dans le frigo. « On va plutôt dire que je t'entretiens ça ferait moins barbare ! » Souriant alors qu’elle déposait un baiser sur ma joue, je la regardais se rassoir avant d’entamer la part de gâteau qu’elle m’avait tendue. Mangeant tranquillement le bout de gâteau, je venais de lui annoncer que si je ne mangeais pas tout ce qu’elle avait chez elle j’allais la croquer. J’eu un frisson en pensant réellement passer à l’acte, mais Jamal m’arracha cette vision en me répondant ingénue : « Je préfère que tu m'embrasses, c'est largement plus agréable, surtout que je ne suis pas comestible ! » La voyant finir son gâteau, je mangeais le reste du mien en une bouchée avant d’attraper mon verre de whisky et le finir cul sec. « Je te prête même mon ours en peluche si tu dors avec moi et c'est promis je ne tenterais de ne pas faire toutes les choses étranges que je fais habituellement ! » Souriant tendrement, je me penchais pas dessus la table pour tendre mes mains jusqu’à ses joues. Attrapant son visage en coupe, mes yeux plongés dans les siens je disais : « Pas besoin de te forcer… Par contre, si tu me prêtes ton ours en peluche je risque bien de le kidnapper. » Approchant mon visage du sien, je déposais à nouveau mes lèvres sur les siennes, incapable de me retenir plus longuement.